30 octobre 2007
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08:00
Connaissance du monde.
Hier soir, nous avons accompagné le juge Feng dans son dernier voyage.
Le Juge Feng est un peu à la justice chinoise des montagnes ce que le fils de l'épicier était à la gastronomie de nos campagnes il n'y a pas si longtemps.
Un juge itinérant qui transporte à dos de mulet l'emblème du Parti et du ministère de la justice, pièce essentielle au respect de la loi dans ces contrées lointaines.
Ce juge qui va de village en village colporter la bonne parole, c'est un peu le dernier défenseur de la raison face aux croyances et aux coutumes, l'ultime rempart de la morale, une dérisoire tentative de maintenir la présence de l'État (on évoque à peine à quelques reprises la menace policière, sans trop y croire).
Le juge Feng a pour mission de rendre la justice dans les montagnes du Yunnan (aux confins du Tibet, au sud-ouest de la Chine), là où vivent des minorités ethniques comme on dit, et en l'occurrence ici : les Pumis, les Mosos et les Yis (en quelques sorte les Apaches, les Comanches et les Navajos de la Chine).
C'est l'occasion de superbes images sur ces visages, ces costumes, ces maisons ... et la vie rude (c'est le moins qu'on puisse dire) de ces montagnards.
Pour ce voyage, il est accompagné de sa fidèle assistante et greffière, Yang, qui va prendre sa retraite dans ces montagnes où elle est née, et d'un jeune apprenti, fraîchement promu de l'école de droit et, au passage, venu chercher femme.
À ces trois beaux portraits que l'on découvre peu à peu (et notamment une belle histoire non-dite entre le juge et son assistante), il faut ajouter la mule, quatrième personnage clé du film !
Le film est lent (même s'il n'est pas très long) et on aimerait poursuivre la balade avec eux pendant des heures et des jours sur les sentiers de montagnes, au rythme indolent des pas de la mule.
Chaque étape dans chaque village est prétexte, après cris et braillements, à discordes, disputes, discussions, négociations et palabres, au cours desquelles le juge Feng essaie tant bien que mal de faire triompher le bon droit, ou tout au moins de ne pas perdre la face, ce qui suffira à ranimer un peu de respect pour la justice de l'État, jusqu'à son prochain passage.
Quitte à payer de sa poche et trop cher un cochon objet de litige.
Pas de message sentencieux, pas de thèse politique : chaque épisode se joue tout en humanité et en finesse comme celui de la récupération de l'emblème de la justice perdu au milieu des marais mouvants (tout le village démonte portes et volets des maisons pour bricoler un pont et récupérer le fameux emblème dont le juge Feng leur a dit que, s'il n'était ni en or ni en argent, il n'en était pas moins vénérable ... que le Bouddha de leurs ancêtres !), ou encore comme les longues palabres avec l'honorable aïeule du village pour tenter de lui extorquer le nom du voleur de la mule (le village entier s'était mobilisé pour retrouver discrètement l'animal ... pendant l'absence du juge).
Un merveilleux voyage qu'on aimerait bien prolonger mais Liu Jie, le réalisateur, a quand même un message à nous faire passer : c'est le dernier voyage du juge Feng et il semble bien que ce monde caché soit voué à la disparition ...
Pour celles et ceux qui aiment les voyages, les portraits, les fables et les découvertes ethniques.
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