2 mars 2008
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Du rififi à Bab-el-oued.
On aime voyager en classe polar.
Après l'Afrique du Sud avec Mankell, Hong-Kong avec Burdett, l'Irlande avec Bruen, les réserves Navajos US avec Hillerman, la Chine avec Fan Tong, Tokyo avec Hara Ryo, la Finlande avec Ekman, on n'arrête pas !
Cette fois, nous voici partis ... en Algérie avec Yasmina Khadra et La part du mort.
Un ancien militaire algérien, Mohammed Moulessehoul, se cache derrière ce pseudo.
L'islam attise les curiosités et cet écrivain prolixe, très à la mode, surfe sur le succès.
Sa prose s'en ressent qui donne dans les effets de style savamment orchestrés, qui nous agacent passablement comme chez Barbery, Claudel, et d'autres encore, si prisés aujourd'hui.
Du Fred Vargas puissance dix où la moindre phrase est prétexte à un exercice de style et de vocabulaire.
[...] En quelques minutes, de gros nuages arrivent sur la ville, le derrière botté par des coups de vent.
La première partie de son polar s'en ressent : on traîne un peu les pieds derrière le commissaire Brahim Llob dans une Alger désoeuvrée, en proie aux magouilles en tous genres entre les pattes velues des politiciens affairistes.
Le commissaire Llob est une grande gueule intègre, le seul flic honnête de cette ville gangrénée de corruption, et visiblement Yasmina Khadra veut en découdre avec les profiteurs et les prévaricateurs.
Mais comme lui, on ne croit pas vraiment à cette histoire de serial killer qui ne tue personne, ni à celle de cet autre lieutenant de police, un gigolo qui ne trompe personne, et certainement pas sa call-girl de luxe.
Et puis tout d'un coup, à mi-parcours, au détour d'un chapitre, le bouquin décolle.
C'est parti et on ne le lâchera plus jusqu'à la fin.
On croit vite tout comprendre mais on se laisse mener par le bout du nez jusqu'à l'utime dénouement, pressé de découvrir qui tirait les ficelles derrière le manipulateur qui agissait dans le dos de celui qui en coulisse ...
Yasmina Khadra, ou plutôt Mohammed Moulessehoul, fouille là où ça fait mal dans le passé de son pays et de ses compatriotes.
Un passé que l'on partage aussi, puisqu'il est donc question, je cite : de la guerre de libération et de la révolution qui a permis de se débarasser de l'ennemi impérialiste (toujours salutaire de voir l'Histoire écrite de l'autre côté de la barrière !).
Mais tout n'était pas rose, enfin vert et blanc, même dans le camp algérien et la libération de 1962 ressemble fort à beaucoup d'autres, celle de 1945 par exemple, quand certains se découvrent soudain le besoin de se refaire une virginité politique et une bonne réputation idéologique à moindres frais ...
[...] - Je ne vous cache pas que le sujet me gêne. Personnellement, je n'ai pas grand-chose sur la conscience. J'ai fait la guerre d'un bout à l'autre, sans excès et sans tricher. J'ai assisté à des choses horribles, aussi. Mais je ne tiens pas à retourner le couteau dans la plaie, monsieur Llob. Les gens d'ici en portent des séquelles irréversibles. De nos jours, il arrive que les échos de ces événements dramatiques réveillent certaines rancunes et , parfois, le sang coule de nouveau.
Car c'est bien de ça dont il s'agit : les drames et les crimes d'aujourd'hui ne sont que l'écho des événements pas si lointains qui ont marqué l'affranchissement de l'Algérie. Les héros ont vieilli et se sont compromis, les enfants ont grandi et aspirent à un monde meilleur.
Le passé si terrible évoqué ici ne date que de 1962 et Yasmina Khadra situe son bouquin en 1988 ... juste avant la montée de l'intégrisme islamique et la quasi-guerre civile qui ensanglantera de nouveau le pays.
Ah, j'allais oublier ! Et pour une fois, qu'on nous pardonne un tel excès de langage sur ce blog policé au discours habituellement châtié. Je ne peux résister à l'envie de citer crûment Yasmina Khadra (qui se donne parfois des airs de San Antonio) lorsqu'il met en scène Mohand, un libraire passionné de bouquinerie ...
[...] Avec lui aucune chance de s'amuser. Pour rien au monde je ne voudrais échouer sur une île déserte avec lui. Incapable de se mettre au lit sans un texte contre la figure, les mauvaises langues racontent que lorsque Mohand porte la main sur la foufoune à Monique, c'est juste pour y tremper le doigt afin de tourner les pages de son bouquin.
N'est-elle pas ainsi délicieuse, ami(e)s des livres ?
Pour celles et ceux qui aiment traverser la Méditerranée.
Le site officiel de l'auteur.
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