Suite de notre retour aux sources dans les premiers polars de Fred Vargas.
Avec Un peu plus loin sur la droite, quatrième opus de la dame et suite de Debout les morts puisqu'on y retrouve deux des apôtres : Saint-Mathieu et Saint-Marc.
Avec cette fois Louis Kehlweiler aux commandes de l'enquête. Après le Vandoosler des épisodes précédent, Kehlweiler se révèle un cousin très proche de la future star Adamsberg (apparu quelques mois plus tôt dans L'homme aux cercles bleus).
Kehlweiler erre sur les quais de Paris entre bancs et arbres numérotés par ces soins, archivant dans son appartement du V° toute sorte de coupures de journaux et de paperasses, de quoi faire trembler la République.
Il parle (simplement) à Bufo, son crapaud qu'il loge dans la poche de son manteau :
[...] - Je lui parle comme ça parce qu'il est un peu con, je vous l'ai déjà expliqué. Faut être simple avec Bufo, n'utiliser que les notions de base : les gentils, les méchants, la bouffe , la reproduction, le sommeil. Il ne sort pas de là. Parfois, je tente des discours un peu plus ardus, philosophiques même, pour lui éveiller l'esprit.
- L'espoir fait vire.
- Il était beaucoup plus con quand je l'ai eu. Plus jeune aussi.
Au cours d'une de ses promenades au fil des bancs de Paris, il découvre un reste d'os dans une crotte de chien. Un os humain, cela va sans dire.
De là, tout un long fil d'Ariane à dérouler, à démêler, de digression en fausse-piste, jusqu'au petit bourg breton de Port-Nicolas.
Une enquête prétexte à de savoureux dialogues entre Kehlweiler, ses deux apôtres et toute une galerie de personnages pittoresques et plus ou moins déjantés.
Comme lorsque notre héros arrive à Port-Nicolas et entame la conversation avec la femme d'un mari un peu inquiétant ...
[...] - Il n'est pas encore rentré ? demanda-t-il.
- Si, mais il est à la cave avec une nouvelle. Ça peut durer une demi-heure ou plus, on ne peut pas le déranger.
- Ah. [...] Mais pourquoi la cave ?
- C'est moi qui l'ait exigé. La cave ou rien. Je ne veux pas de pagaille dans la maison, il y a des limites. J'ai posé mes conditions, parce que si on l'écoutait, il les installerait n'importe où. Après tout, c'est ma maison aussi.
- Bien sûr. Ça arrive souvent ?
- Assez. Ça dépend des périodes.
- Où les prend-il ?
- [...] Où il les prend ? Ah ... ça vous intéresse bien sûr ... Il les prend là où il les trouve, il a ses circuits. Il cherche un peu partout, et quand il les embarque, croyez-moi elles n'ont pas fière allure. Personne n'en voudrait, mais lui, il a l'œil. C'est ça le truc, et je n'ai pas le droit de vous en dire plus. Et après la cave, de vraies princesses. moi, à côté on dirait que je n'existe pas.
- Ce n'est pas très marrant, dit Louis.
- Question d'habitude.
Ça paraissait en 1996 chez Viviane Hamy : Vargas avait trouvé le bon rythme, ample et poétique.
Récit, intrigue, digressions, tout est totalement maîtrisé. Le sens aigu de l'observation des "gens", le savoir-faire dans la description des personnages, denses, épais, tout est là.
Adamsberg et les épisodes suivant le confirmeront.
Pour celles et ceux qui aiment les chiens et la thalasso.
J'ai lu édite ces 254 pages qui datent de 1996.
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