Magie ou ennui ?
Fidèles lecteurs, sortez vos mouchoirs : ce billet marque une profonde rupture sur ce blog jusqu'ici régulier et constant.
BMR, MAM et Copine Véro sont allés voir Somewhere, le dernier film de Sofia Coppola, attirés par ce qui aura été, de l'avis unanime, la plus belle bande annonce de 2010(1).
Las, les avis n'ont rien d'unanimes concernant le film annoncé. Cette discorde était prévisible : les critiques qu'on peut lire un peu partout montraient que la plupart des spectateurs s'ennuyaient profondément. Quelques uns adoraient.
MAM s'est profondément ennuyée devant cet étalage intello-complaisant des soucis existentiels des américains riches, beaux et célèbres (pourtant elle lit Gala régulièrement, alors ?).
Copine Véro s'est beaucoup moins ennuyée : elle s'est carrément endormie. C'est pas mieux et c'est dommage car elle trouvait l'acteur craquant (déjà avant même le film, dans Gala).
Reste donc BMR qui a eu la chance de tomber dans l'autre case des statistiques(2) : il a adoré et a donc décidé (courageusement) de passer outre l'interdiction formelle de MAM de publier un billet sur ce blog.
Voici donc le premier billet clandestin de ce blog, ne lui répétez pas !
Les créatures de Sofia Coppola sont arrivées sur terre par accident et ne savent guère quoi faire pour y survivre.
C'était le cas des jeunes filles suicidaires, de l'amateur de whisky à Tokyo ou encore de la jeune princesse autrichienne en Converse.
Ici c'est le cas de Stephen Dorff, acteur de série B, sorti de l'oubli par la fée Sofia et jouant ici le rôle ... d'un acteur.
Alors comme tant d'autres, il tourne en rond dans une suite du Château Marmont de LA.
Il s'endort en regardant des lap-danseuses ... quand ce n'est pas pire.
Il tourne en rond avec sa Ferrari. Il s'enfile des bières avec application et il est réveillé chaque matin(3) par son attachée de presse qui lui demande telle ou telle prestation pour la promo de son film. Qu'il exécute gentiment avant de reprendre trois lignes plus haut.
Évidemment racontée ainsi, la vie d'un profond, mais profond, ennui de Stephen Dorff serait d'un profond, mais profond, ennui.
Sauf que chaque scène est un petit bijou ciselé par les mains et l'oeil de la fée Sofia.
Ah, le moment où les lap-danseuses remballent leur matériel une fois Stephen Dorff endormi, juste lorsque le spectateur se demande ce que viennent faire des barres d'appui dans une chambre de l'hôtel.
Ah, les séances photos lorsque la caméra s'attarde sur le petit marchepied, vide, qui permettait à Stephen Dorff d'arriver à la hauteur de sa partenaire(4). Etc.
Au long de ses œuvres, Sofia Coppola filme le spleen romantique du XXI° siècle.
Elle filme l'inanité et la vacuité de notre civilisation occidentale mue par la richesse, le pouvoir et la célébrité. Elle filme le mal de vivre de ces grands enfants comme Stephen Dorff (ou précédemment Marie-Antoinette), maternés par leur entourage professionnel, à qui pouvoir, richesse et célébrité ont tout donné (et sur ce sujet, on ne doute pas que la fille Coppola en connait un rayon), mais qui ne peuvent pas grandir et préfèrent continuer à jouer à Guitar Hero avec leurs copains d'enfance, incapables d'assumer une relation sociale, amoureuse et encore moins paternelle.
Mais bien vite, un ange vient à passer dans la vie du charmant mais ennuyeux Stephen Dorff.
Sa fille justement, Cléo. Une espèce de Kirsten Dunst à peine adolescente (11 ans dans le film, 12 ou 13 dans la vie). Un ange dont le visage radieux, les yeux bleus et le sourire éclatant viennent illuminer le film, l'ennui du charmant Stephen Dorff, et le regard du spectateur (enfin celui qui ne s'est pas endormi).
Cet ange, c'est la jeune soeur de Dakota Fanning, Elle Fanning, déjà croisée dans Babel ou Benjamin Button.
Et la caméra de Sofia Coppola reprend de plus belle.
Ah, le regard de Stephen Dorff qui finit par lâcher les SMS de son portable pour découvrir sa fille patiner.
Ah, le travelling sur les transats de la piscine (ceux de l'affiche) qui s'inscrira certainement dans les annales du cinéma. Ah, etc.
Les scènes se suivent et s'enchaînent, petits moments que l'on dirait saisis au vol (mais dont le travail n'a assurément rien de spontané !).
Et puis arrive le moment où le spectateur se dit (du moins, celui qui ne s'est pas endormi) : ah, là, là ! C'est là qu'elle doit lâcher la caméra ... et ouuiii ! tip, top, générique de fin !
Une personne sur quatre ou cinq environ adore ce film. Alors, tentez le sort ! Si vous tombez dans la bonne case des statistiques, vous aurez peut-être la chance d'apprécier les tours de magie de Sofia Coppola.
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(1) : allez, cette année on essaie un palmarès des bandes-annonces
(2) : BMR ne lit pas Gala (ou alors juste en feuilletant rapidement les images de jeunes femmes plus ou moins dénudées), est-ce pour cela ? Non, ça n'a rien à voir ? Tant pis, on était à deux doigts d'une découverte scientifco-statistique.
(3) : un doute quand même traverse BMR : comment arrive-t-il à se réveiller chaque matin avec une so sexy barbe de 3 jours ? Comment fait-il surtout le quatrième jour ? Comment fait-il pour ne raser que ce qui dépasse des 3 premiers jours ? Ah, la vie mystérieuse des stars.
(4) : attention, tout parallèle avec le petit mari de notre grande chanteuse serait, à mon humble avis, inconsidéré et abusif. Honnêtement, je pense que Sofia Coppola se fout complètement de la vie politique française.