Je t'emmène encore dans le Maine.
Comme promis il y a quelques semaines après une Dérive sanglante, on a enchaîné avec le second volume de William G. Tapply : Casco Bay.
Nous voici donc repartis sur les rivages du Maine où l'on a retrouvé avec grand plaisir Stoney Calhoun et son passé d'amnésique, la belle Kate et le shérif Dickman.
Ah, j'allais oublier Ralph, le chien.
Les cadavres s'accumulent sur les îles de la baie de Casco et même si les histoires de pêche à la mouche sont toujours là (et on les aime, pourtant dieu sait qu'on n'y connait rien !), cette fois le bouquin ressemble un peu plus à un vrai polar, c'en est presque dommage tellement on avait apprécié l'ambiance équivoque (entre deux eaux, c'est le cas de le dire !) du premier épisode. Ici Stoney Calhoun arbore même un temps l'étoile d'adjoint de son pote le shérif.
Visiblement, Tapply installe et développe ses personnages et, pour une fois, on ne saurait trop vous conseiller de lire ces deux tomes dans l'ordre (celui-ci est le second) de façon à profiter pleinement du charme du premier.
[...] Il fallut une bonne minute à Calhoun pour reconnaître ce qu'il avait sous les yeux.
Un corps humain.
Un cadavre noir comme du charbon, calciné, assis sur le dos contre le mur est du bâtiment, les mains reposant sur ses genoux, les jambes étendues devant lui et la tête inclinée en avant.
Vecchio, tournant les yeux vers Calhoun, murmura :
- Un fantôme ?
- M'étonnerait, dit Calhoun ...
Une faible odeur de chair pourrie flottait dans l'air humide.
- ... je ne pense pas que les fantômes puent comme ça.
Et Calhoun s'y connait en fantômes ...
On en a maintenant l'habitude : les drames du Maine d'aujourd'hui sont fortement ancrés dans ceux d'hier ...
[...] - Quelqu'un s'est dit qu'il y avait autant d'îles dans Casco Bay que de jours dans le calendrier. Et je crois bien que si vous y mettez les rochers découverts à marée basse, on n'est pas loin du compte. Bon, ils ont construit cette sorte d'hôpital ici, sur Quarantine Island, pour les immigrants qui arrivaient en Amérique. Ils les gardaient ici avant de les laisser mettre le pied sur le continent. Tous ceux qui d'après eux pouvaient avoir la grippe, ou bien avaient été en contact avec un malade - ou, comme c'est probable, ceux dont ils n'aimaient pas l'allure tout simplement -, ils les envoyaient ici. Hommes, femmes, vieillards, même les bébés. Des Italiens, pour la plupart. C'étaient des religieuses catholiques qui s'occupaient de cet établissement. Elles ne soignaient pas les gens avec des médicaments, c'était pas vraiment un hôpital. Elles les gardaient là, juste pour qu'ils n'aillent pas contaminer les citoyens américains. Bon, une nuit, en février 1918, l'établissement a été détruit par un incendie et tout le monde est mort. Les religieuses, les enfants, tout le monde. À peu près deux cent personnes.Ils n'avaient pas d'équipement pour lutter contre l'incendie, bien sûr. Ils n'ont rien pu faire. Entre le feu et le froid terrible, personne n'a survécu.
[...] On a suspecté quelques bons citoyens de l'État du Maine d'être venus en barque cette nuit-là avec des torches pour mettre le feu à l'établissement. On n'a jamais rien pu prouver. Officiellement ce fut un incendie accidentel.
Comme lors du premier épisode, l'intrigue policière est mince et importe peu : c'est elle, le décor, et pas le Maine.
Le plaisir vient des histoires racontées ici ou là avec, au final, l'impression d'avoir passé une semaine de vacances au bord de la mer à écouter les vieux pêcheurs nous parler de leur métier et de leurs histoires.
Tapply confirme qu'on tient là une bonne série ! à suivre donc.
Pour celles et ceux qui aiment toujours la pêche à la mouche.
Gallmeister édite ces 291 pages traduites de l'américain par François Happe.
Jean-Marc en parle. D'autres avis sur Critiques Libres.