Voici le 3ème best-of annuel sur ce blog, histoire de repérer ce qu'on pourrait appeler «
les coups de coeur de nos coups de coeur».
Même s'il est toujours difficile de faire un choix parmi les meilleurs, car le tri a déjà été fait une première fois avant d'arriver sur le blog ...
cliquez sur les vignettes ou sur les liens pour retrouver les billets en version intégrale
Le canapé rouge de Michèle Lesbre.
L'histoire d'une femme qui se met en quête d'un amour perdu ... à Irkoustk en pleine Sibérie, au bord du lac Baïkal.
Cette quête, c'est celle du désir des choses perdues : un amour qui s'en est allé, un idéal (politique) qui ne s'est pas réalisé, un enfant qu'on n'a pas eu, ... Le voyage en train est comme une vie suspendue, une parenthèse, on s'en va mais c'est pour être plus proche de ce qu'on croit avoir laissé. Michèle Lesbre est pour nous l'une des découvertes de l'année puisqu'on la retrouve également sur le podium des polars !
La bénédiction inattendue et Les paupières de Yoko Ogawa. Revoici la reine de l'étrange avec deux recueils de nouvelles parus simultanément et qui se font écho.
Les nouvelles des
paupières mettent en scène des rencontres : un passager dans un avion, une vieille femme qui vend des légumes, un vieux célibataire et une écolière, ou encore une collectionneuse d'odeurs.
Les nouvelles de la
bénédiction ont pour thème récurrent l'écriture, et Yoko Ogawa s'y met elle-même en scène : l'une des nouvelles raconte comment l'inspiration lui est venue pour écrire une nouvelle de l'autre recueil et ainsi la boucle est bouclée. Il était temps que Yoko Ogawa monte sur notre podium !
Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor. Une correspondance entre un juif américain et son ami allemand.
On vous laisse découvrir ce que cache réellement le titre de ce petit livre terrible mais très astucieux (on aurait presque pu le classer dans les polars), avec une belle alliance de la forme et du fond. Un incontournable.
Mais cette histoire a été écrite 2 ou 3 ans avant la guerre !
Plusieurs années avant que le monde ouvre les yeux : un livre obligatoire !
Out de Natsuo Kirino.
Un roman foisonnant avec toute une galerie de personnages très fouillés (plusieurs points de vue sont alternativement donnés sur cette histoire) qui gravitent autour de ces quatre femmes. Quatre beaux portraits féminins, même si la peinture n'est pas très reluisante.
Quatre collègues qui vont, par la force des choses, s'entraider lorsque l'une d'elles va tuer presqu'accidentellement son mari lors d'une dispute. Il faut l'aider à se débarrasser du corps ...
Revoici Michèle Lesbre avec Une simple chute.
Le voyage en train, parenthèse dans la vie, est décidément un prétexte à de singulières rencontres.
Ici le héros prêtera l'oreille à une étrange dame qui semble bien partie pour lui raconter sa vie.
Ulysse qui écoute le chant d'une sirène ... et comme chacun sait (sauf notre héros) il ne faut pas écouter la sirène ...
Les amateurs de polars pourront ici apprécier une très très belle plume.
Dérive sanglante de William G. Tapply.
Un polar qui change du lot habituel : Stoney Calhoun ne supporte même plus l'alcool et boit du coca depuis l'accident qui l'a rendu amnésique !
C'est plutôt sympa et si l'islandais
Arnaldur Indridason nous avait dissuadés à jamais d'aller en Islande, bien au contraire l'américain William G. Tapply semble nous inviter à passer nos prochaines vacances dans le Maine ! Une série prometteuse : nous avons lu également
Casco Bay.
- Dans la catégorie bandes dessinées, la fin d'année aura vu quelques belles découvertes :
Maus de Art Spiegelman.
Une référence des BDthèques. L'histoire autobiographique d'un auteur à la recherche de la mémoire de son père, rescapé des camps nazis. La vie du père Spiegelman, marchand juif plus vrai qu'une caricature, est décrite sans complaisance. Ses petits trafics pour échapper aux rafles, puis pour survivre dans les camps, ... il n'en est que plus humain dans ce monde qui ne l'était plus. Et au passage, Spiegelman épingle l'anti-sémitisme polonais (heureusement pour nous, le père de Spiegelman n'est pas né en France).
Le piège de Felipe Calva et Federico del Barrio.
Après le nazisme ... le franquisme.
Des dessins en noir et blanc, en noir surtout avec de grands aplats très graphiques, dont certains sont de véritables prouesses.
Avec en prime, une idée astucieuse : le scénario du
Piège met en scène ... un dessinateur de BD et on a donc bien sûr droit à "
la BD dans la BD". Le héros prépare un épisode des aventures d'un super-héros en prise avec un affreux méchant. Les dessins de cette nouvelle BD s'intercalent dans la BD elle-même.
Peu à peu, au fil des pages, les deux histoires se rapprochent ou se répondent ...
Enfin, la parution tant attendue du troisième tome de
La légende des nuées écarlates de l'italien Saverio Tenuta
.
Quittons la trop dure réalité ... avec cette superbe japonaiserie où les dessins (les peintures, devrait-on dire) sont absolument splendides, avec des images superbes qui rappellent bien entendu estampes et calligraphies japonaises. Trop beau !
Le scénario est riche et à la hauteur des dessins avec toute une alchimie complexe entre passé et présent.
- Dans la catégorie cinéma, c'est plutôt le début d'année qui aura été riche en étoiles :
It's a free world de Ken Loach
.
À plus de 70 ans, Ken Loach sait encore frapper fort, très fort. Et plutôt du genre coup de poing dans la gueule. La démonstration est brève et sans appel : une jeune femme, exploitée par les valets du capitalisme relève la tête, elle tient absolument à s’en sortir. Super, on est avec elle !
Pour élever son jeune fils, pour ne pas finir comme son père, …
... elle deviendra elle-même une exploiteuse pour assurément rendre service à tous ces immigrés qui viennent chercher du boulot à l'ouest, permettant ainsi au patronat de maintenir la pression vers le bas sur les salaires du pays.
Lust caution d'Ang Lee
.
Sur fond de guerre sino-japonaise, le plus beau couple de cinéma qu'il nous a été donné de voir depuis longtemps.
Un formidable duo d'acteurs : tout passe dans leur jeu, dans leurs regards. Sur leurs visages filmés au plus près par une caméra entièrement à leur service.
Chaque scène est d'une rare intensité où chaque mot, chaque geste, chaque regard compte et compte juste ... un véritable festival pendant 2h30 qu'on ne voit pas passer et où l'on se surprend le sourire aux lèvres, non pas parce que l'histoire s'y prête, loin s'en faut, mais tout simplement parce que l'on est ravi de se trouver dans la salle pour partager ces moments.
There will be blood de Paul Thomas Anderson
.
Superbe reconstitution de cette course au trésor (dans les années 1910-1920 le pétrole est en train de remplacer l'or) qui met en scène ces nouveaux cow-boys en train de faire naître notre époque.
Daniel Day-Lewis campe magistralement l'un de ces prospecteurs, un entrepreneur, prêt à tout pour exproprier quelques paysans enfermés dans leur religion, forer ses puits et faire jaillir le sang noir de la terre.
C'est presqu'une naissance, une délivrance, celle de l'Homme englué dans la boue, les pieds qui pataugent, qui s'enfonce dans le sol pour exploiter cette richesse et pouvoir ainsi s'élever au-dessus de sa condition.
Mais la terre ne se laisse pas facilement forer et chaque puits aura son prix en vies humaines. Ce qui nous vaut quelques images d'une rare violence.
Oui : le sang va couler, celui des hommes comme celui, noir, de la terre.
- Dans la catégorie dessin animé, un seul candidat l'été dernier mais ne nous plaignons pas, c'est un gagnant qui occupe facilement les trois marches du podium à lui seul :
Valse avec Bachir de Ari Folman
.
Un documentaire plutôt : l'auteur part à la recherche de sa mémoire, à la pêche aux souvenirs, lorsqu'il était une jeune recrue de
Tsahal, il y a vingt-cinq ans, au moment de la
guerre du Liban.
Le film est effectivement construit comme un reportage et l'auteur interviewe d'anciens compagnons (les vrais prêtent d'ailleurs leur vraie voix aux personnages du dessin animé). Tous ont oublié ce qui s'était passé. La mémoire est soigneusement occultée : l'un n'a tué que des chiens, l'autre n'a fait que des promenades en bateau, aucun d'eux ne se souvient vraiment des horreurs de la guerre.
À ne surtout pas manquer.
- Enfin, dans la catégorie musique, si quelques valeurs sûres avaient occupé le podium 2007, l'année 2008 aura vu la découverte d'au moins trois belles voix :
Alela Diane.
Cette californienne cache bien son jeu sous une simplicité déconcertante.
Quelques accords de guitare qui roulent en boucle, une voix incisive, d'une clarté éblouissante, aux accents lancinants, tantôt folk, tantôt soul, parfois blues, des refrains quasi-répétitifs (
ever again, ever again, ever again, ...).
Il s'en dégage une force étonnante et une ambiance unique.
Alela Diane sera au
Bataclan le 6 avril (et nous aussi !).
Sophie Zelmani.
En route pour Stockholm d'où
nous berce cette douce voix.
Avec son look
indian west coast, son chaud patronyme (en fait cette belle brune s'appelle Sophie Edkvist, c'est plus suédois ça non ?), on se dit que la Suède recèle bien des surprises.
Les radios nous avaient passé en boucle un de ses tubes,
Always you (à la James Blunt), mais la dame de Suède vaut bien mieux que cela. Beaucoup mieux.
C'est baba, c'est cool et les arrangements de guitares de
Lars Halapi (ah, ça c'est suédois) sont vraiment aux petits oignons.
Emiliana Torrini.
Un père italien, une mère islandaise, le pays d'
Indridason , le pays du moment !
Et bien le mariage est réussi entre la chaleur d'une très belle voix et l'étrangeté glacée de vocalises ou d'arrangements à la Björk.
Le plein de douceur étrange mais la dame est aussi capable d'un swing endiablé.
Emiliana Torrini sera au
Bataclan le 30 janvier.
Voilà, c'est dit, c'est fait, salut 2008 et vive 2009 !
Et pour ceux qui auraient raté le best-of 2007 : c'est là !