Astrologie.
Pedro Calderón de la Barca de Henao y Riaño (rien que ça !) est donné ici ou là comme le petit cousin espagnol de Shakespeare dont il était presque contemporain.
Écrite en 1635, la vie est un songe est la pièce maîtresse de sa nombreuse production et elle est montée au Théâtre 13 par William Mesguich (le portrait juré de son père !).
La mise en scène de Mesguich est délibérément tapageuse et appuyée : on y trouve mécaniques et machineries, écrans de fumée et de vidéos, cages de verre ou d'acier, à la mode steampunk avec cuirs et ferrailles, façon 1984 ou Dune (le film).
Une esthétique aux allures d'anticipation anachronique qui peut paraître bien loin de l'Espagne du XVII° mais qui colle parfaitement au texte modernisé d'une pièce tout en bruit et en fureur.
Une fois ce parti pris de mise en scène volontiers accepté (BMR a beaucoup aimé, MAM a parfois trouvé cela un peu appuyé), on se laisse aller avec délectation au plaisir de savourer un texte superbe dit de très belle manière.
La pièce (très longue) de Pedro Calderòn a été raccourcie, adaptée et relookée : les acteurs (sans exception) se sont approprié le texte et en maîtrisent parfaitement la diction.
Le message de Pedro Calderòn date de près de 400 ans mais semble aujourd'hui encore, couler de source ...
En 1635(1), Basyle règne sur la Pologne et se pique d'être un roi savant qui sait lire l'avenir dans la course des étoiles.
Dans les astres, il a pu voir de funestes présages à la naissance de son fils Sigismond dont le futur destin sera donc celui d'un tyran régicide et parricide.
Appliquant le désormais bien connu principe de précaution, le roi Basyle, fort de sa (pré-)science, enferme son fils au secret, dès sa plus tendre enfance, tel une Belle au bois dormant, pour éviter à tout le monde (lui, son fils et la Pologne) un funeste destin.
L'intrigue se noue au moment où Basyle décide de libérer Sigismond "pour voir" : curiosité malsaine, remords paternel ou plus sûrement irrépressible soif de "savoir"(2) ?
Si cette expérience confirme la violence tyrannique de Sigismond, il sera de nouveau enfermé et on lui fera croire qu'il aura rêvé ses quelques jours de pouvoir : ce n'était qu'un songe.
Qui donc préside à nos destinées(3) ? Les astres, l'amour, les hommes eux-mêmes, les dieux ? L'homme savant peut-il en modifier le cours ? Sigismond saura-t-il profiter de sa liberté et donc de son libre-arbitre ?
Mais le principe de précaution est un véritable paradoxe, et pour le roi, avoir enfermé son fils pendant des années était malheureusement le plus sûr moyen de créer le monstre de vengeance qui n'aura de cesse que d'accomplir la sinistre prophétie ...
Un seul petit bémol pour la seconde moitié de la pièce qui semble juste couler de manière un peu moins fluide : c'est peut-être dû aux coupes (nécessaires) effectuées dans le texte original pour faire rentrer la pièce dans les deux heures actuelles (qu'on ne voit guère passer).
Pour le reste ... un texte passionnant et des acteurs qui le maîtrisent parfaitement : tout le plaisir du théâtre !
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(1) : comme en témoigne la date qui s'incruste sur les bandes vidéos qui apparaissent sur scène !
(2) : Basyle-Prométhée joue avec le feu et veut tout à la fois savoir si sa prédiction savante était juste et s'il a réussi à infléchir le cours du destin
(3) : chacun des personnages est marqué au front de l'étoile de son destin ...
Pour celles et ceux qui aiment les étoiles dans les yeux.
Céline en parle, Delphine aussi, Sarah est un peu trop sévère.