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Après le Dindon, voici la Cocotte ...
Quand Sacha Guitry écrit sa première pièce, Nono en 1905, il n'a que vingt ans.
Autant dire que ce texte de jeunesse n'a pas encore la maturité des suivants.
Nono, c'est l'histoire d'une “cocotte”, une belle jeune femme entretenue par ses différents amants.
Ou plutôt l'histoire de deux de ses amants, deux amis qui n'arrivent pas à se partager les charmes faciles et les délicieux caprices de la belle.
Nous voici donc à la fin de la Belle Époque, en pleine comédie boulevardière.
Guitry est réputé pour sa soi-disant misogynie : au-delà des bons mots et des réparties à l'humour grinçant, il est tout autant misogyne que pouvait l'être, dans un tout autre registre, Charles Bukowski. Tous deux font partie de ces hommes qui disent pis que pendre de l'autre sexe mais qui ne peuvent s'en passer une seconde. Et qui cachent le discours de leur vérité derrière une bien mince façade : la grossièreté de Bukowski ou l'humour de Guitry.
Tant la mise en scène que la conclusion de Nono ne laissent guère de doute sur qui est le personnage central de cette pièce dont le titre n'est, lui aussi, qu'une façade.
Précisément, c'est Michel Fau qui met en scène et interprète le rôle principal : celui d'un des deux amants de la belle Nono, un rôle que tint lui-même Guitry en 1910.
Le texte, on l'a dit, est encore loin des sommets qu'atteindra Guitry, on sourit de temps à autre (quand une bonne partie de la salle rit franchement) et ce n'est pas la présence de Julie Depardieu, aussi transparente et vaporeuse que ses tenues (soyons gentils, on dira que c'était son rôle, sans doute) qui apporte quelque chose.
Non, s'il faut aller voir cette Nono au théâtre de la Madeleine, c'est avant tout pour Michel Fau.
Nous ne le connaissions pas jusqu'ici mais nous nous sommes regardés à la fin de la pièce pour nous rendre compte que tous deux, nous étions restés suspendus pendant deux heures aux lèvres du bonhomme. Sa diction est très particulière (elle pourrait d'ailleurs agacer certains), un peu monocorde, presque grinçante ou criarde, proche de que nous aurait donné Devos par exemple, et ici en accord parfait avec le texte.
Il joue comme détaché de la pièce et de son personnage, interpellant le public, quelque part à mi-chemin entre son personnage et le narrateur (il est d'ailleurs également le metteur en scène), nous laissant entrevoir Sacha Guitry lui-même.
Stimulés par cette dimension et ce second degré, on ne s'ennuit pas une seconde.
On dit souvent que c'est le bon texte qui fait l'essentiel du théâtre réussi : Michel Fau nous prouve ici le contraire.
C'est vraiment savoureux et c'est pour lui qu'il fallait faire le détour.