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Nos coups de coeur : cinoche, bouquins, pestacles, bd, miousik, et d'autres encore. Livres, cinema, musique, spectacles, BD.

Walkyrie

Notre billet sur le film.

Aux Etats-Unis - où plus de dix millions de personnes ont vu le film -, en Grande-Bretagne, en Corée du Sud, partout où Walkyrie est déjà sorti, on a parlé du coup d'Etat raté du 20 juillet 1944. "Ses détracteurs doivent arrêter de se plaindre", a écrit le quotidien londonien Evening Standard, "il ne peut sortir que du bien d'un cinéma qui rappelle le passé." En Grande-Bretagne, où depuis le discours de Churchill sur l'affaire, l'attentat du 20 juillet était avant tout considéré comme une lutte de pouvoir interne au camp nazi, de tels propos marquent un changement de paradigme.

Cette nouvelle approche n'apparaît pas que dans les grands journaux, elle se retrouve dans tous les coins et recoins du monde médiatique et d'Internet. Hollywood a réussi ce que lui seul peut faire : mondialiser une histoire largement méconnue dans le monde. Et Hollywood a réussi ce qu'il ne réussit pas toujours : traiter le sujet à sa juste valeur. C'est une performance surprenante pour un film qui, finalement, selon les propres termes du réalisateur, se résume à des dialogues échangés entre quelques hommes en uniforme de la Wehrmacht. Ainsi advient ce que Philipp von Boeselager, l'un des derniers survivants du 20 juillet, avait espéré peu avant sa mort [en mai 2008] : le film fait connaître l'attentat contre Hitler au monde entier. L'important n'est pas pour l'Allemagne de devenir une attraction touristique, comme la Nouvelle-Zélande après Le Seigneur des anneaux. L'attentat du 20 juillet a été perpétré pour qu'on puisse en parler, pour que "le monde et l'Histoire", selon les mots célèbres de [l'un des conjurés] Henning von Tesckow, sachent qu'il y eut une résistance contre Hitler même si l'entreprise n'a pas abouti. Désormais, même les lycéens de l'Iowa ou de Séoul le savent.

Le débat sur l'authenticité des moindres détails est donc dépassé. Parmi les "graves" erreurs historiques, on relève surtout que Hitler ne s'est pas enfui à bord d'un Ju-52 et que le comte Stauffenberg [le principal conjuré] ne s'est pas rasé juste avant l'attentat. L'historien Peter Hoffmann, l'un des meilleurs spécialistes du 20 juillet 1944, y a mis un terme en qualifiant le film de "parfaitement vrai sur l'essentiel". Inutile aussi de revenir aujourd'hui sur la préhistoire de ce film, qui a notamment été marquée par une légitime inquiétude à propos d'une secte [la scientologie, dont Tom Cruise est un adepte], mais aussi par une attitude irresponsable qui prédisait - voire souhaitait - l'échec de l'entreprise.

Produire ce film constituait bien plus qu'un risque financier. Le message du 20 juillet est extrêmement ambivalent. Comme dans La Liste de Schindler [film de Steven Spielberg sorti en 1993], on se demande pourquoi ce qui a été possible pour ces hommes-là a été impossible pour d'autres. La réponse est la suivante : beaucoup ne voulaient pas et certains ne pouvaient pas. Toute la structure du complot s'explique par le fait que les conjurés savaient qu'ils ne pouvaient pas compter sur la population. Et le complot comme le procès qui suivit mettent en évidence que beaucoup étaient au courant des crimes commis contre les Juifs à tous les niveaux de la chaîne de commandement du régime. Ce sont là des questions auxquelles le film ne répond pas. Mais elles se posent, puisque le film nous hante longtemps encore après l'avoir vu.

Frank Schirrmacher
Frankfurter Allgemeine Zeitung

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