Quand l'homme se fait moins bête.
La grande expo de la rentrée c'est
Bêtes et Hommes, l'occasion également de retrouver la Grande Halle de la Villette réaménagée.
Une expo qui explore nos rapports aux animaux, et nous invite à analyser notre propre regard sur nos colocataires de la planète bleue.
On est accueilli dès l'entrée par une vache paisible qui rumine en regardant passer les visiteurs et, ... magie de la vidéo en boucle, la même nous verra sortir 3 heures plus tard. C'est peut-être aussi pour rappeler que cette Grande Halle fut à une autre époque ... le marché aux viandes de Paris !
À l'intérieur, de nombreux petits ilôts abritent ensuite différents messages.

Un très beau texte de
Kafka lu dans le noir d'un «terrier» (ça nous a mis l'eau à la bouche, si on peut dire, et il est tombé dans la
PAL).
Un théâtre de marionnettes où est (joliment) mise en scène l'opposition entre l'anglais
Darwin, partisan de la libre concurrence, et
Kropotkine l'anarchiste russe qui soutenait la thèse de l'entraide entre les animaux : une remarquable leçon de philo où l'on croise
Marx et
Malthus, étonnante de sens et de pédagogie pour celui qui aura la patience de s'asseoir et d'écouter attentivement, parmi les marmots qui s'impatientent.
Plus loin, un pot-pourri des bruits et cris des animaux en voie de disparation ...
Et partout, de nombreux extraits vidéo sur petits ou grands écrans, avec notre «bêtes-of» :
- l'otarie qui sait lire à l'envers : elle reconnait les formes, hallucinant !
- les dauphins qui pêchent en groupe sur la plage : le beach-fooding, stupéfiant !
- l'oiseau qui appâte les poissons après avoir vu des canards manger du pain, bluffant !
- le singe Wattana, un orang-outan qui sait faire des noeuds, touchant !
- les manchots qui raniment l'un des leurs, épuisé, émouvant !
- etc ...
Une autre séquence vidéo nous apprend également comment notre regard d'observateur fausse l'observation. On y apprend à décoder la
umwelt de certaines bestioles : leur espace, leur mesure du temps, leur appréhension des signes extérieurs, c'est captivant et l'homme ressort moins bête de ce parcours savant.
On l'aura compris, l'expo est plutôt intello, excellente comme prépa au bac de philo. Mais c'est vraiment passionnant et vraiment très pédagogique, idéal pour les ados
ou les grands qui n'ont pas encore étanché leur soif d'apprendre.
Mais, comme pour
Walt Disney au Grand Palais l'an passé, on se demande bien ce que viennent y faire les familles avec leurs bruyants et impatients rejetons ...
À l'entrée de l'expo, nous accueille un texte de José Luis Borge citant une encyclopédie chinoise et l'une des premières classifications des espèces des bêtes selon les hommes : animaux appartenant à l'Empereur, animaux embaumés, animaux apprivoisés, cochons de lait, sirènes, animaux fabuleux, chiens en liberté, animaux qui s'agitent comme des fous, animaux innombrables, animaux dessinés avec un très fin pinceau de poils de chameau, animaux qui de loin semblent des mouches, et caetera ... Pour nous rappeler que notre regard prime sur le réel et que la compréhension de la nature est avant tout une histoire de culture. _fck