26 février 2008
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Méli-mélo.
Tout le who's who du cinéma français se trouve réuni sur le plateau du dernier film de Cedric Klapisch : Paris.
Encore un nouveau film choral (celui où les histoires et les personnages s'entrecroisent) comme semble les aimer le public français.
Mais dans certaines chorales, il y a parfois des couacs.
Alors oui, Paris de Klapisch c'est un peu méli-mélo.
Méli, tout d'abord, pour ces personnages et ces histoires qui se croisent, certes, mais sans vraiment de fil conducteur, sans véritable lien. Cela tient plus du patchwork que du puzzle. Encore n'est-ce pas trop grave si l'on accepte de se laisser porter au gré de ces histoires sans queue ni tête.
Ceci est d'ailleurs dûment revendiqué par l'auteur lui-même qui (via Luchini bien entendu) cite Baudelaire dans ... Le spleen de Paris :
Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu’il n’a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie, vous le manuscrit, le lecteur sa lecture. [...]
C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant.
Mélo, ensuite, pour la navrante histoire de Romain Duris (bizarrement le moins convaincant de la troupe) atteint d'une maladie du coeur qui va sans doute l'emporter. Il faut donc profiter de la vie ici et maintenant, surtout quand on la chance d'habiter Paris, car la vie est trop courte. Voilà donc la morale de l'histoire. Certes on adhère au propos et plutôt deux fois qu'une, mais n'y a-t-il pas manière plus subtile de nous asséner cette vérité ?
Autre vérité découverte en séance : qui ne se ressemble pas, ne s'assemble pas. Ainsi les pinups fashion-victims du Tout-Paris iront s'encanailler au marché-gare de Rungis mais ne pourront finalement pas conclure leurs affaires avec les forains un peu beaufs venus pour faire leur marché.
Klapisch s'appesantit lourdement sur son propos avec la finesse et la délicatesse d'un éléphant qui apprendrait à brouter à ses petits.
De même, quand il nous la joue éco-tourisme avec sa pinup parisienne en vacances au club méd au Cameroun, à demi amoureuse du maître nageur black qui vient de se faire virer du club et qui reçoit une carte postale (avec Notre-Dame) de son frère ... éboueur à Montmartre, et qu'il n'aura de cesse de rejoindre quitte à risquer sa vie en traversant la Méditerranée dans une barcasse. Ouf !
Morale (parait que ça va être à la mode, la morale) : soyons gentils avec nos amis éboueurs et rangeons bien nos poubelles, pensons un peu à leurs familles dans les bidonvilles en Afrique. Je n'invente rien : allez voir le film si vous ne me croyez pas !
Alors, après avoir été si caustique (ça fait du bien parfois), pourquoi donc parler de ce film ici ?
Et bien parce que dans toute chorale, même un peu cacophonique, il y a toujours quelques belles voix et de superbes solistes !
Fabrice Luchini qui incarne quasiment ... Fabrice Luchini, son rôle préféré et celui où il excelle : extraordinaire en vieux prof d'Histoire (de Paris !) pontifiant, compassé, pédant et ... amoureux dépressif ! Ah, la scène chez le psy ! Ah, la scène où il danse un vieux rock pour les beaux yeux d'une de ses étudiantes !
Juliette Binoche qui campe une quadra un peu aigrie et vieillie avant l'âge. Elle ose nous gratifier d'un strip-tease qui relègue aux archives poussièreuses de l'INA les neuf minutes et demi de Kim Bassinger qui peut aller ... se rhabiller.
François Cluzet qui joue le frère de Luchini, un architecte « normal » (belle femme, beau métier, bel appart, ...) mais pleurnichard. La scène du « rêve », pourtant casse-gueule, est particulièrement réussie.
En contrepoint - on reste dans le registre choral - Karin Viard en boulangère, raciste (avec son personnel) et mielleuse (avec ses clients), est odieuse à souhait et déclenche les rires à chaque apparition.
Pour ces quelques superbes moments, et ces superbes acteurs, la séance mérite d'être sauvée.
En tout cas pour les inconditionnels de Paris : le film embraye sur le générique de fin dès que le taxi de Romain Duris franchit ... le périphérique !
Pour celles et ceux qui aiment la plus belle ville du monde.
D'autres avis chez Herwann ou sur Critico-Blog, dont le toujours Cluny qui partage ici quasiment les mêmes coups de griffe et les mêmes coups de coeur.