Merci, merci à Bertrand Tavernier. Deux fois merci.
Merci pour nous avoir donné le film Dans la brume électrique il y a quelques jours.
Merci pour nous avoir fait connaître James Lee Burke et son roman Dans la brume électrique avec les morts confédérés.
Dans notre billet sur le film, on parlait d'un montage très «livresque» (déroutant dans les premières images) et le bouquin s'avère particulièrement fidèle au film !
C'est rare qu'on procède dans ce sens-là. D'habitude on préfère lire avant de voir : le ciné impose ses images, ses sons et «referme» le champ des possibles que la lecture laisse grand ouvert.
Mais là, forcément, on ne pouvait que suivre Tavernier et découvrir James Lee Burke qu'on ne connaissait pas jusqu'ici, faute de goût impardonnable.
Car, assurément, voilà un excellent polar.
Dans la plupart des standards du genre (Connelly, Mankell, Indridason, ...), on retrouve des flics, des pros, englués jusqu'au cou dans la fange nauséabonde de nos grandes villes modernes : ce sont nos égoutiers, ils sont nés dedans, ils y laisseront leur peau sans doute, peut-être n'ont-ils même pas eu droit à une âme, ...
À l'opposé, chez Hillerman, William G. Tapply, ou ici James Lee Burke, on a affaire à des flics ou des demi-flics, solidement ancrés dans leur "campagne rurale" (les réserves navajos, le Maine, le bayou, ...) et, avec une certaine nonchalance, ils tentent de chasser d'un revers de main l'écume nauséabonde qui (venue sans doute des villes ?) dérange la communion avec la nature.
En quelque sorte, le flic des villes (celui qui fait nos poubelles) et le flic des champs (celui qui défend son territoire).
Bon assez pontifié, revenons à nos confédérés dans la brume du marais.
À New Iberia près de La Nouvelle-Orléans, la torpeur étouffante du bayou est seulement troublée de temps en temps par les orages et ouragans venus du Golfe du Mexique. Jusqu'à ce que l'on retrouve un, puis deux, cadavres de jeunes filles sauvagement mutilées.
Dans le même temps, les notables de la petite bourgade se réjouissent de voir revenir au pays un enfant pas sage mais avec les milliers de dollars utiles à la production et au tournage d'un film. Même s'il s'agit d'argent sale puisque l'enfant prodigue est devenu un gangster notoire.
Avouez qu'il y a là de quoi troubler la paix que croyait avoir bien mérité Dave Robicheaux !
[...] À 6 heures le lendemain matin, je pris une tasse de café et le journal que j'emportai sous la galerie et m'installai sur les marches. L'air était frais, bleui par l'ombre sous les arbres et chargé des odeurs de belles-de-nuit en fleur et des coques de noix de pacane qui moisissaient dans la terre humide.
Tout en lisant le journal, m'arrivaient le bruit des bateaux qui quittaient mon ponton et les voix des pêcheurs sur l'eau. Puis j'entendis quelqu'un remonter la pente du jardin au milieu du feuillage, je baissai mon journal et aperçus Mickey Goldman qui se dirigeait à grands pas vers moi comme un homme en quête d'une dispute.
Le bouquin a l'avantage sur le film de faire ressentir les odeurs du bayou mais le ciné avait apporté un petit plus grâce à la musique : le roman est donc à lire avec la chanson du générique qui balance entre blues afro et gigue cajun : la terre tremblante avec les voix de Dirk Powell et Courtney Granger.
Tavernier/Burke : match nul !
En attendant, Black Cherry Blues, une autre enquête de Dave Robicheaux, est déjà dans la PAL ...
Pour celles et ceux qui aiment le bayou cajun.
Rivages noir ré-édite ces 480 pages qui datent de 1992 en VO et qui sont traduites de l'anglais par Freddy Michalski.
Eireann, Thom, ... n'avaient pas attendu le film pour découvrir cet auteur. L'ombre du polar dresse son portrait. Un autre site sur son oeuvre.