2 février 2012
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Tijuana blues.
William Memlouk est un spécialiste français du jazz.
Mingus mood est son premier roman.
Une sorte de biographie romancée du contrebassiste Charlie Mingus.
Plus exactement un hommage à ce musicien, réputé autant pour sa musique que pour son sale caractère.
Personnellement on n'était pas fan de jazz et on a eu beau jeter de nouveau une oreille sur quelques disques de Charlie à l'occasion de ce bouquin, cette lecture n'a pas changé notre écoute.
Mais cela ne nous a pas du tout empêché d'apprécier une superbe écriture.
Car ce premier roman est un sacré coup de maître.
Racontés par la voix d'un vieil ami de Charlie Mingus qui serait interviewé dans les années 80 juste après la mort de Charlie, les souvenirs, les errances, les douleurs, les concerts, les beuveries, les colères, les musiques, les compagnons ... et l'ombre des compagnes, de Charlie Mingus défilent sous nos yeux depuis les années 50.
L'épine dorsale du récit est une rupture amoureuse de Charlie à New-York. Pour fuir ses douleurs et ses démons, il entame un road-blues avec quelques compagnons de scène jusqu'à Tijuana à la frontière mexicaine. Cela donnera l'album Tijuana Moods.
[...] Figés dans un état de veille engourdi, je me souviens que nous laissions ainsi courir au rythme de ce décor - sans vie, sans eau, sans âme - nos pensées déliquescentes. En réalité, nous étions tous les cinq tributaires de la chaleur ... une chaleur hallucinatoire, lourde et lascive qui tombait du ciel comme la neige en hiver.
Pour redonner un peu de consistance à nos corps, à nos consciences assoupies, je me souviens que l'un des musiciens décida d'ouvrir une bouteille de gin. Nous la fîmes circuler de mains moites et mais moites, y puisant à chaque rasade toute la fraîcheur qu'elle était en mesure de nous apporter.
Charlie Mingus boxe sa contrebasse comme il boxe la vie et cette histoire est celle d'un révolté, celle d'un écorché, celle d'un musicien atteint de folie artistique, celle d'un homme et de ses amours impossibles, ...
Car Charlie Mingus est noir ... et l'amour qu'il fuit est celui d'une blanche.
[...] Je lui demandais soudain si nous nous rendions à Tijuana pour elle, et d'un timbre sans éclat il me répondit :
- Ouais, pour elle ... pour l'oublier.
[...] J'ai d'autres combats à mener ... des combats aux enjeux plus profonds, plus larges que l'amour ... et vous savez que pour concevoir ces combats, pour les accomplir, il me faut de la violence et du dépit ... de la haine, de la haine et du désordre.
On est à la fin des années 50 (Martin Luther King n'a pas encore eu son rêve) et Charlie est révolté par la place laissée aux noirs et à leur musique. Cette musique qui est à la fois son refuge, sa revanche et la seule façon qu'il a trouvée d'extérioriser ses démons intérieurs.
[...] Charlie l'arrogant, Charlie l'impoli, Charlie l'indomptable qui avait eu le malheur de naître noir et de n'être rien.
[...] Et si je vous disais que ce désordre m'inspire, qu'il coule en moi comme un putain de poison qui me nourrit, qui m'alimente ...
Un roman très 'américain'.
De très belles pages sur cet homme tourmenté et la musique qu'il laissa derrière lui.
Pour celles et ceux qui aiment les artistes.
C'est Julliard qui édite ces 244 pages qui datent de 2011.
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