Depuis le Vietnam on sait que les américains commencent par faire la guerre. D'abord.
Et qu'ensuite, ils se mettent à faire des films et à réfléchir. Après(1).
L'Irak n'échappe donc pas à la règle et le film de Peter Greengrass, Green Zone, va nous apporter la démonstration de ce que l'on sait déjà, à savoir qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive à Bagdad. Seul Tony Blair y avait vraiment cru.
Mais résumer ainsi le film serait faire injure à Peter Greengrass qui nous avait déjà donné - outre quelques Jasonbourneries - l'époustouflant Vol 93(2).
Ça démarre à 100 à l'heure et ça ne faiblira pas de tout le film. 100% stress ! Tout comme dans le film britannique Battle for Haditha(3).
Le commandant Miller (deux indices : il a les yeux bleus et il est sur l'affiche !) conduit une équipe de GI-Joe chargée de démanteler les sites irakiens où sont entreposées les fameuses armes de destruction massives (Weapons of Mass Destruction en VO).
Sauf que les sites visités à grands frais et à grands risques sont vides de chez vides et que s'y accumulent les crottes de pigeon ... Ça sent l'arnaque, se dit Chief Miller ...
Notre chief Miller va donc s'acoquiner avec la CIA (pour une fois elle a le beau rôle, les temps changent !) contre les bureaucrates du Département d'État de Washington, pour démonter, non pas les sites WMD irakiens, mais la machiavélique supercherie qui aura fourni le casus belli à ceux qui l'attendaient (les américains n'en n'avaient pas vraiment besoin, c'était surtout pour Tony Blair ...).
On l'a dit c'est 100% stress : film de guerre haletant avec ces GI's empêtrés dans la foule, guettant les snipers à chaque coin de rue, thriller survolté avec cette course poursuite aux infos et aux indics ...
Et s'il n'y a pas d'armes absolues à Bagdad, le mélange est pourtant explosif : mercenaires des forces spéciales, ex-généraux baassistes en mal de reconversion, journaliste manipulée pour répandre les fausses infos(4), dissensions entre chiites, sunnites et kurdes, machinations, espionnage et désinformation, ... la tension et l'intérêt ne faiblissent pas même si, comme trop souvent, la course-poursuite finale s'étire un peu en longueur.
Matt Damon est (oui, mesdames !) impeccable en bon soldat solide et appliqué, voire buté.
À noter aussi la prestation enfiévrée de l'anglo-égyptien Khalid Abdalla, l'indic-interprète du Chief Miller.
Le film se termine de manière elliptique sur une image des réservoirs de pétrole irakien : le mot-clé n'aura pourtant pas été prononcé de tout le film !
Bien sûr on peut lire ici ou là qu'Hollywood récupère à bon compte les mauvaises raisons de cette sale guerre mais reconnaissons à Peter Greengrass (outre les indiscutables qualités de son cinéma) le courage de mettre tout cela sur la place publique (et pour le plus grand public qui plus est).
D'ailleurs, la rediffusion au mess des officiels de l'allocution de George W. Bush (The United States and our allies have prevailed !) est, ainsi replacée dans le contexte du film, hallucinante !
De plus, il n'est pas tout à fait innocent de reparler de cela sept ans après les faits, alors que la Green Zone(5) est peut-être toujours la seule zone sécurisée d'un Irak chaotique et que les GI's américains sont en train de se re-déployer ... en Afghanistan.
Je ne sais plus trop quel est le pays qui se situe entre l'Irak et l'Afghanistan, mais je suis sûr qu'on m'a dit que des armes nucléaires étaient cachées en Iran : Peter Greengrass va bientôt pouvoir reprendre sa caméra sur l'épaule.
Un film où l'on découvre qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux, même si on peut y lire cet instructif et ahurissant article du New-York Times paru la semaine dernière et repris par Courrier International.
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(1) : bon d'accord, sont p't-être pas les seuls à procéder dans cet ordre ...
(2) : ce fameux Vol 93 figurait à notre best-of 2006 et Green Zone pourrait bien monter sur le podium 2010 !
(3) : ce n'est peut-être pas un hasard si notre billet de 2008 sur Battle for Haditah, de l'anglais Nick Broomfield, citait déjà Vol 93 !
(4) : le seul élément "histoire vraie" du film : Judith Miller du New-York Times
(5) : la Green Zone était la zone de Bagdad sécurisée par (et pour) les américains avec piscines et hôtels pour bureaucrates, journalistes, et mercenaires en repos.
Pour celles et ceux qui aiment les montées d'adrénaline.
Pascale en parle, Le Monde, Theatrum Belli et Critikat aussi.