Dai Sijie n'est pas un inconnu.
Depuis Balzac et la petite tailleuse chinoise, dont on parlait il y a deux ans, un livre qu'il a mis lui-même en images.
Le revoici de nouveau avec (encore un titre improbable) : L'acrobatie aérienne de Confucius.
Comme dans son précédent bouquin, Dai Sijie excelle dans l'art d'interpeller la littérature pour mieux la mêler à son propre roman.
Il est par exemple ici question de Rabelais ou encore d'un manuscrit de Tomé Pires, une sorte de Marco Polo portugais.
Dai Sijie construit sa propre histoire sur une anecdote (une légende ?) historique : celle de l'empereur chinois Zheng De qui, vers 1500, craignait tellement pour sa vie qu'il s'était entouré de quatre sosies parfaits. On l'appelait (on les appelait) la Quinte Souveraine.
[...] Voilà un surnom qui mérite des éclaircissements : connu pour sa peur obsessionnelle de la mort, cet empereur apparaissait toujours, en public ou en privé, accompagné par quatre sosies qui, non seulement lui ressemblaient comme des gouttes d'eau, mais avaient atteint une telle perfection dans l'art de synchroniser leurs mouvements, leurs mimiques, leurs paroles que personne ne pouvait dire lequel d'entre eux était le vrai, pas même sa mère, ni l'Impératrice ou les concubines auxquelles il accordait ses faveurs, encore moins ses ministres.
L'Empereur finira noyé dans un accident, mais s'agit-il d'un accident ou d'un attentat et s'agit-il de l'Empereur ou de l'un des sosies ?
Une idée plutôt originale qui en croise une autre, lorsque les chinois de l'époque découvre leur premier Noir (qu'ils confondent avec ... une autruche) :
[...] Comme trophées, il avait capturé quatre animaux exotiques :
un couple de rhinocéros,
un éléphant,
une créature muette, d'origine africaine, qu'un marchand d'Ormuz avait vendue, avec une girafe, au cirque du roi Birman. Elle était noire de la tête aux pieds, à l'exception du blanc des yeux. Une espèce jamais répertoriée dans notre Empire.
Comme chacun sait les Noirs sont équipés d'un membre viril imposant (1).
L'Empereur Zheng De se fait donc greffer celui du malheureux captif et se retrouve obligé de faire peindre ceux de ces sosies dans la même couleur, même si la taille n'y est pas ...
On passe alors dans le registre coquin, celui du roman historico-érotique ...
D'où ce fameux titre :
[...] " L'acrobatie aérienne de Confucius ! Il l'a réussie, dit le Monarque."
Mais voilà que moi aussi, comme Dai Sijie, je me mets à plaisanter ...
Malheureusement n'est pas Umberto Eco qui veut. Et Dai Sijie empile ici les anecdotes amusantes, les histoires érudites, les polissonneries chinoises ... sans vraiment réussir à nous embarquer sur sa jonque impériale.
Il y avait peut-être de quoi donner vie à une nouvelle ou deux mais la dilution dans le roman finit par ôter toute saveur à la soupe qui se voulait pourtant épicée.
Dai Sijie s'amuse, visiblement, mais malheureusement un peu tout seul.
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(1) : mais ça, pour le coup, c'est vraiment une légende, n'est-ce pas les filles ?!
Pour celles et ceux qui aiment les curiosités.
Flammarion édite ces 249 pages qui datent de 2009.
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